Parfois, je suis subitement submergé par des périodes au cours desquelles je pense à des choses étranges dont je ne me suis jamais préoccupé auparavant, comme une colère inhabituelle. Cela existe en moi, cette "saison de la haine", qui est souvent causée par la "saison des agressions". Il y a quelque temps, j’étais avec mes parents et j’ai dit avec légèreté :
« Vous savez, près de chez moi se trouve ce feu de signalisation qui devient rouge même dans les moments de la journée où aucune voiture n’est visible. Je m'en foutais bien et s'il n'y avait personne, je passais au rouge quand même, mais récemment, j'ai commencé à penser que ce n'était peut-être pas un si bon comportement, alors j'ai décidé de m'arrêter et de rester immobile jusqu'à ce qu'il devienne vert. »
Dès que j'ai fini de dire cela, j'ai commencé à me faire bombarder de commentaires tels qu’« Oh, personne ne fait plus ça de nos jours ! » et « Tu me donnes mal à la tête ! Quoi, tu essaies de jouer au bon samaritain ?! » et même « Tu es un hypocrite ! Tu veux juste que quelqu'un te voie pour qu'il puisse en parler sur 2channel1 ! »
Zut. Elle est ici. La "saison des agressions" est arrivée. Si vous êtes attaqué pour avoir dit ou fait quelque chose de mal, il n'y a rien de mal à cela, mais je n'ai rien fait de tel. Je veux dire que je ne suis même pas passé quand le feu était rouge. Vous voyez, c'est la "saison des agressions", cette période où les gens se fâchent contre moi pour des raisons que je ne comprends pas. Et quand il se présente à nouveau inexorablement, même quand il y a des arguments sur lesquels je pourrais facilement me défendre, je finis par être assailli et je souffre encore plus. À cause de cela, la seule chose que je peux faire est de rester assis et d'attendre que ça passe une fois de plus, tout comme les personnes allergiques au pollen, en attente, jusqu'à ce que la cause de leur nuisance s'envole. Dans ces circonstances, le dicton "La meilleure défense est une bonne offense" ne fonctionne pas.
Jojo's Bizarre Adventure a enfin atteint sa sixième protagoniste, Jolyne Kujo, et elle aussi est au milieu de cette "Saison des agressions". Depuis qu'elle est petite, elle vit en Floride, aux États-Unis. Jotaro, son père, a été fort occupé, notamment à Morioh-Cho. Elle a alors grandi sans la présence d'une figure paternelle et elle est devenue une jeune femme avec un père absent. Jolyne a certes hérité de la tête dure et froide de sa famille, mais lentement mais surement, elle s'est dirigée vers une voie d'agitation. Sa mère la gronde. Elle tombe amoureuse d'un gars en qui elle a une confiance aveugle. Il représente l'amour et l'affection qu'elle n'a jamais eue de son père. Mais c’est précisément ce sentiment qui entrainera Jolyne dans un monde fou. Sera-t-elle capable de s'en libérer comme "démêler une ficelle" ? Va-t-elle murir en tant que personne ? C'est ce que j'avais en tête lorsque j'ai écrit Stone Ocean et sa protagoniste.
Il y a quelque temps, dans les années 80, l'envie d'essayer une nouvelle aventure créative m'a fait dessiner "Gorgeous Irene", un one-shot qui raconte une histoire avec une femme en tant que protagoniste, mais à cette époque, je ne sais pas, je ne le sentais pas. Quelque chose n'allait pas... J'ai perçu une atmosphère étrange me disant qu'un personnage féminin n'irait pas bien dans mes oeuvres et j'ai donc abandonné l'idée de la transformer en une série. Maintenant, presque 15 ans ont passé et je suis convaincu que les temps ont changé d'une
manière ou d'une autre. Aujourd'hui, nous vivons à une époque où, même si une fille prend un
coup de poing ou si son doigt s'envole ou est poussé dans un bâtiment, on peut vraiment avoir
une atmosphère forte. La responsabilité incombe entièrement à son père, Jotaro Kujo. C'est lui
qui au début vient sauver sa fille, mais qui finit par se faire sauver par nulle d'autre que sa propre
fille, favorisant ainsi la croissance interne de Jolyne. Il me semble que se faire remarquer en
insérant un tel personnage dans un manga est vraiment rentable.
Nous pouvons être des hommes et des femmes, mais les relations de sang et les sentiments qui
en découlent sont des éléments dont nous avons tous hérité.
Que veut dire "Stone Ocean" ? "Stone" est la volonté de Jolyne alors que "Ocean" symbolise
entièrement les femmes. Cet océan de pierre peut également faire référence à l'image de la
prison dans laquelle se déroule l'histoire. Après avoir décidé de dessiner Stone Ocean, je voulais
rassembler du matériel et je suis allé visiter une prison en Floride. Elle était divisée en 4 sections : détention pour mineurs, détention pour femmes, détention pour jeunes hommes et détention pour condamnés à mort, je ne pouvais y entrer qu'après avoir obtenu un permis. En Amérique, il existe également des prisons "privées" dans lesquelles une réduction de peine devient l'équivalent d'une entreprise commerciale.
Je pouvais accéder à trois sections et non à celle des hommes, car elle était jugée trop dangereuse. Je ne pouvais voir que la cuisine et les prisonniers modèles qui y travaillaient. Dans tous les cas, ce n'était pas une prison énorme comme celle dans laquelle Jolyne Kujo était incarcérée, mais plutôt une technologie de pointe qui me rappelait d'une certaine manière Roppongi Hills. (Grand complexe urbain de Roppongi, un quartier de Tokyo) À l'entrée, on m'a demandé de vérifier ce que je portais avec moi et de possibles objets en métaux, puis j'ai pris un ascenseur, marché, pris un autre ascenseur, marché encore, puis un autre ascenseur à répétition. À chaque passage, une lourde porte en métal avec une serrure électronique, puis une autre, une autre, etc. Pendant le trajet, j'ai été escorté par des gardes de rang moyen. Les portes ne peuvent pas parler, mais c'était comme si elles me disaient que je ne pouvais plus quitter cet endroit même si je le voulais. Je ne suis pas sûr que ce soit une claustrophobie, mais j'étais très nerveux. Je me sentais comme si j'étais dans un état d'hyperventilation et ma respiration était irrégulière. Quelques prisonniers, peu importe le nombre de fois où je leur ai dit que je venais de Tokyo, voulaient que je leur offre une Bible en coréen. En outre, il y avait une femme avec une structure corporelle massive qui ressemblait à la patronne d'un film, assise à côté d'elle, une fille à la silhouette élancée, probablement son homme de main, à travers laquelle elle m'a demandé quel âge j'avais. Lorsque, plus tard, j'ai décrit de tout mon coeur mes sentiments au gardien, lui disant que j'étais très anxieux au point de suffoquer, il a répondu : "C'est la même chose pour moi tous les jours. Je suis toujours soulagé de pouvoir enfin sortir et rentrer à la maison". Écrire ceci, je continue de me questionner sur Jolyne Kujo. Si je me trouvais dans la même situation qu’elle, je pense qu'après 3 heures à peine, je me sentirais déjà détruit. Mon impression est qu'entre tous les précédents protagonistes de Jojo, elle est la plus coriace et je souhaite qu’elle soit la plus heureuse, surtout parce que, comme si cela ne suffisait pas, elle se trouve en plein milieu de la « saison des agressions ».